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Rêveries du confinement

Le premier jour, il créa les câbles électriques pour que les oiseaux puissent se percher en ligne horizontale. Il créa aussi le ciel et décida que chaque aurore serait unique. "Les jours sur Terre ne se répéteront pas", affirma-t-il avec astuce, se réservant habilement les teintes grises pour les matins sans entrain ni inspiration.
"Le contraste est bienvenu", s'exclama-t-il avec enthousiasme. "Il permet de distinguer ce qui existe, ce qui est superflu et ce qui manque."

Le premier jour, le bruit habituel du monde s'évanouit.

Le deuxième jour, il créa Pac-Man, avec tant de bleu à jouer. Il dispersa les fantômes dans divers cieux et accorda à l'un d'eux une demeure sur Terre. Il établit également la première division : les essentiels et les non-essentiels. Les essentiels pourraient sortir, mais seraient débordés de travail, tandis que les autres resteraient chez eux, confrontés à leur non-essence.
"Sans contradictions, l'ennui les guette", se dit-il convaincu. Dans l'après-midi du deuxième jour, il créa les statistiques, "car les chiffres les fascinent", affirma-t-il.

Le deuxième jour, les statistiques et le fantôme vivant sur Terre devinrent incontrôlables et dominèrent le monde.

Le troisième jour, il conçut la formule insoluble de la "continuité de l'incertitude". Il créa également le son des applaudissements. Les gens se penchaient par leurs fenêtres à dix-neuf heures précises pour applaudir les professionnels de la santé. C'était magnifique d'entendre ce clap-clap-clap! national. Ils étaient les nouveaux dieux sur Terre.
Cependant, lorsqu'ils rentraient chez eux, applaudis mais épuisés, ils découvraient sous leur porte des lettres anonymes contenant des menaces et des demandes d'expulsion. En plus d'être des sauveurs, ils étaient porteurs de contamination. Ils devaient se sacrifier un peu plus.

Le troisième jour, l'incertitude, la contradiction et la suspicion furent utilisées pour la deuxième grande division.

Le cinquième jour, il créa les licornes, si magnifiques qu'il en ressentit de la jalousie et les cacha. Il sema le doute sur leur existence, car en plus de la peur, il éprouvait de la fierté pour sa création.
"Le doute est un puissant ingrédient pour mélanger réalité et fiction", improvisa-t-il.

Le cinquième jour, de cette incohérence, de cette beauté, des licornes, de la peur et du doute, naquit le complot.

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