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APNÉE
( 2015-2017 )

L'eau est un mirage. Je suis arrivée ici et je ne sais pas si c'est ici que je veux être.
Je ne suis ni locale ni touriste. Je suis résidente. Je suis étrangère.

Mais qu'est-ce que cela signifie d'être étrangère ? Et quelles sont les conditions de cette étrangeté ?

Loin de notre lieu d'origine, notre identité et notre sentiment d'appartenance s'estompent et nous ne pouvons savoir quelles déceptions, quelles incohérences ou quelles solitudes nous attendent.

Dans la serie Apnée, l'absence d'eau est la métaphore qui traverse les nageuses dans leur quête. Pourtant, le paysage ne propose que des mirages. Les mirages sont une illusion trompeuse, quelque chose qui semble être ce que nous cherchons de loin, qui nous encourage à nous y rendre, mais qui disparaît une fois sur place.

"Essaie de nager là où c'est sec où flotter n'existe pas où s'enfoncer est rester dans la même gravité"

Je refuse aux nageuses la complaisance de l'eau, car en moi, la complaisance de l'expression est refusée. Toute privation a un caractère inhospitalier, ainsi, piscine, lac, lagune, mer deviennent des mots pour désigner ce que nous n'avons pas, et c'est précisément ce qui manque qui nous pousse à continuer de chercher une promesse.

Nous plongeons dans un paysage beau mais inapproprié, elles cherchant à se compléter dans l'exercice de leur rôle, moi cherchant à me satisfaire dans mon impossibilité linguistique.
À ce moment-là, je photographie sans comprendre de quoi il s'agit dans mon projet. Cela me fait plaisir de les voir, si inadéquates, pourvues de tout le nécessaire pour nager et dans un environnement qui complique leur existence.

C'est en 2015 et en France que cette série commence, je ne comprends encore que peu la langue, je suis dans la phase du babillage, je ne communique que certaines choses. J'ai perdue la capacité de m'exprimer, ma langue maternelle n'a pas de validité ici, je vis dans un état d'interprétation et de traduction permanentes.
Dans la privation, j'apprends que s'exprimer, c'est être, et que le langage intime est essentiel pour l'amour.

L'apnée est l'art de retenir et de contenir sa respiration pour rester plus longtemps dans la densité de l'eau, dans sa profondeur, sa température, sa cécité. Sous l'eau, c'est un non-lieu et retenir sa respiration est contre nature.

Le sentiment de ne pas appartenir et d'aller contre nature accompagne mon étrangeté depuis lors.


APNEA ( 2015-2017 )

El agua es un espejismo. He llegado aquí y no sé si es aquí donde quiero estar.
No soy ni local ni turista. Soy residente. Soy extranjera.
Pero qué es ser extranjera? y cuáles son las condiciones de esta extranjería?

Lejos del lugar de origen, los sentidos de identidad y pertenencia quedan desdibujados y no se puede saber qué decepciones, qué incongruencias ni que soledades nos esperan.

Entras en Apnea,
contenés la respiración,

existe el silencio,
o es otra forma del entumecimiento?


En Apnea la ausencia del agua es la metáfora que atraviesa a las nadadoras en su búsqueda. Sin embargo, el paisaje no ofrece otra cosa que espejismos. Los espejismos son una ilusión engañosa, algo que -de lejos- pareciera ser lo que busca- mos, que nos alienta a ir a su encuentro y una vez allí, desaparece.

“ Intentá nadar ahí donde hay lo seco
donde flotar no existe

donde hundirse es permanecer en la misma gravedad ”


A las nadadoras les niego la complacencia del agua, porque en mí, esta negada la complacencia de la expresión. Toda carencia tiene un carácter de inhóspito, así, piscina, lago, laguna, mar, se vuelven palabras para nombrar lo que no se tiene, y es justamente aquello que falta, lo que motiva a seguir andando detrás de una promesa.


Nos sumergimos en un paisaje bello pero inapropiado, ellas buscando completarse en la ejecución de su rol, yo queriendo contentarme en mi imposibilidad lingüística.

En aquel momento fotografío sin entender de que se trata mi proyecto. Me da placer verlas a ellas, tan inadecuadas, provistas de todo lo necesario para nadar y en un ambiente que les complica la existencia.

Es en 2015 y en Francia cuando se inicia esta serie, apenas entiendo la lengua, estoy en la etapa del balbuceo, solo comunico ciertas cosas. Perdí la capacidad de expresarme, mi lenguaje materno no tiene vigencia aquí, vivo en estado de interpretación y traducción permanentes.

En la carencia, aprendo que expresarse es ser y que el lenguaje íntimo es fundamental para el amor.

Apnea es el arte de detener y contener la respiración para quedarse por más tiempo en la densidad del agua, en su profundidad, su temperatura, su ceguera.

Debajo del agua es un no lugar y contener la respiración es anti natural.


El sentimiento de no pertenecer y antinatural acompañan mi extranjería desde entonces.

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