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Que faites vous madame?
(2022)

Me voici en train d'entrer dans une autre maison, sur le point de la photographier. J'ai eu le privilège d'entrer dans de nombreuses propriétés qui ne m'appartiennent pas. J'aime cette combinaison : "propriété d'autrui", c'est une frontière : elle délimite le fait fondamental que la propriété ne m'appartient pas.

Quand je photographie, j'aime m'immiscer dans le domaine d'autrui avec la curiosité soutenue et élégante d'une voyeuse qualifiée. Avec un œil professionnel, je scanne les meubles, les murs, les tableaux, les symétries, les fenêtres, les distances et les perspectives. Avec un œil de détective, je repère les câbles dénudés, les poubelles et les objets qui ne devraient pas figurer dans une photo d'intérieur décente. Tout comme, en général, il est mal vu qu'une personne soit intégrée à la maison, potentiellement celle qui habite la propriété et qui pourrait être en train de lire le journal dans son salon ou de prendre un café dans la cuisine.

Je n'ai jamais compris pourquoi les entreprises qui gèrent la location temporaire ou permanente de maisons, d'appartements, de studios et même de chambres trouvent incohérent d'avoir la présence humaine dans l'image. À mon avis, la photographie de maison devient un "comme si" : pour être photographié, un espace doit avoir tous ses accessoires et meubles propres, bien rangés et disposés correctement, mais sans traces humaines qui pourraient donner l'impression que quelqu'un y vit. C'est à partir de ce type de conception que commence à se développer parmi les utilisateurs du service une nouvelle imagination, et la maison devient humanisée et déshumanisée en même temps.

Dans cette série, je joue le rôle de propriétaire occasionnelle, une squatteuse au sens le plus rock'n'roll du terme, je m'abandonne à la possibilité d'habiter l'espace d'une manière non conventionnelle, où le corps ne s'adapte pas à ce qui ne lui appartient pas.

J'ai 10 secondes pour photographier la scène avec moi à l'intérieur, et la pression de la présence proche du propriétaire, de l'agent immobilier, de la réceptionniste, du responsable de l'entretien, qui sont de l'autre côté, qui, par distraction, pour des questions de travail à régler ou simplement par ennui, m'ont laissée seule dans l'espace. Le jeu consiste à prendre la photo sans être vue, mais je tremble à l'idée d'être découverte en pleine action, et que la gravité de mon travail et mon professionnalisme perdent instantanément leur réputation. Que quelqu'un me surprenne à ce moment et me demande : "Que faites-vous, madame ?" Et je reste là, retardée par la question, cherchant rapidement et inutilement une excuse pour répondre.

Je me demande ce que je ferais si j'étais de l'autre côté, si je trouvais l'électricien en train de lire le journal dans mon fauteuil, ou le plombier en train de préparer un sandwich dans ma cuisine. "Que faites-vous, monsieur ?"

De cette recherche d'adrénaline infantile et peut-être aussi du plaisir de s'approprier pendant 10 secondes l'espace d'autrui, naît cette série.



“ Que faites vous, madame? ” (2022)


Aquí estoy entrando en otra casa más, a punto de fotografiarla. He tenido el privilegio de entrar a muchas propiedades ajenas. Me gusta esta combinación: “pro- piedad ajena”, es una frontera: delimita el hecho fundamental de que la propiedad no me pertenece.

Cuando fotografío me gusta inmiscuirme en lo ajeno con la curiosidad sostenida y elegante de una voyerista calificada. Con ojo profesional escaneo muebles, paredes, cuadros, simetrías, ventanas, distancias y perspectivas. Con ojo criminal detecto cables sueltos, tachos de basura y objetos que no pueden estar en una foto decente de interior. Lo mismo que, en general, esta mal visto que a la casa se le integre una persona que, potencialmente sea quién habite la propiedad y pueda estar leyendo el periódico en su salón, o tomando un café en la cocina. Nunca entendí porque para las empresas que gestionan el alquiler temporal o permanente de casas, departamentos, estudios e incluso habitaciones, les resulta incoherente tener la presencia humana en la imagen. A mi entender, la fotografía de casa deviene en “un como sí ” : para ser retratado, un espacio debe tener todos sus accesorios y muebles limpios, ordenados y bien dispuestos pero sin rastros humanos que puedan dar la idea de un estar allí.

Es desde este tipo de concepciones que comienza a multiplicarse entre los usuarios del servicio, un nuevo imaginario y la casa queda humanizada y deshumanizada al mismo tiempo.

En esta serie juego a ser propietaria ocasional, una okupa en el sentido mas rocanrolero del término, me entrego a la posibilidad de habitar el espacio de una manera no convencional, aquí el cuerpo no se acomoda a lo que no le pertenece. Tengo 10 segundos para fotografiar la escena conmigo dentro, y la presión de la presencia cercana de la o el propietario, agente inmobiliario, recepcionista, encargada o encargado de la limpieza, que están del otro lado, que por una distracción, cuestiones de trabajo a atender, o simple aburrimiento, me han dejado sola en el espacio. El juego consiste en hacer la foto sin que me vean, pero tiemblo ante la posibilidad de ser descubierta en plena acción, y qué la seriedad de mi trabajo y mi profesionalismo pierdan instantáneamente su reputación. Que alguien me pesque justo y me pregunte “que faites vous, madame?” (*) Y yo me quedé allí demorada en la pregunta buscando rápida e inútilmente una excusa para responder.

Todavía nadie me ha descubierto, quizás ese día deje de hacerlo. Me pregunto qué haría yo si estuviera del otro lado, si encontrara al electricista leyendo el periódico en mi sillón, o el gasista preparándose un sándwich en mi cocina. “ que faites vous, monsieur?”

De esa búsqueda de adrenalina infantil y quizás también por el placer de usurpar durante 10 segundos el espacio ajeno, nace esta serie.

(*) “¿Qué está haciendo, señora?”

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